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TRAVAIL

Femmes handicapées, la précarité en prime

Une récente étude de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) montre que les femmes en situation de handicap sont plus précaires que les hommes.

Les personnes en situation de handicap sont plus pauvres que la population générale. Ce constat sonne en écho. Il est répété d’année en année sans qu’une amélioration ne soit vraiment observée. Le 11 février, la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) a publié un rapport de 35 pages sur les conditions de vie des personnes en situation de handicap. La difficulté d’accès au monde du travail, le niveau de vie et l’entourage proche des personnes handicapées ont été passés au crible par trois spécialistes de l’organisme interministériel. Après la mise à jour de ce constat, les trois chercheur·euses observent une disparité dans la population handicapée. Femmes et hommes en situation de handicap ne sont pas égaux face à la précarité. « Les femmes handicapées se distinguent par un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale plus élevé (38 %) que leurs homologues masculins (32 %). En particulier, elles sont plus nombreuses à subir des privations matérielles sévères. Ces écarts ne sont pas observés dans l’ensemble de la population », note la DREES.

“Les femmes que j’accompagne sont peut-être plus en difficulté” regrette Guénhaël Beaudry

Concrètement, les femmes en situation de handicap font plus souvent face à des difficultés pour payer leur loyer, honorer des dettes ou même acheter de quoi se nourrir. Cette disparité pourrait s’expliquer par un accès plus difficile à l’emploi, selon Guénhaël Beaudry, assistante sociale à l’Association des paralysés de France (APF). Pour elle, « dans les ESAT (Etablissement et service d’aide par le travail), les tâches, c’est surtout de l’entretien d’espaces verts et du reconditionnement. Ce sont des emplois qui touchent peut-être plus les hommes, explique-t-elle. Les femmes que j’accompagne sont peut-être plus en difficulté par rapport à leur formation initiale et aux missions proposées en ESAT », conclut la travailleuse sociale. Autrement dit, les formations et les emplois proposés ne sont pas en phase.


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Les hommes handicapés ne sont pas épargnés

La précarité des personnes en situation de handicap est plus développée encore. En France, de manière générale, les handicapé·es « ont un niveau de vie inférieur à celui de l’ensemble de la population ». Leurs revenus atteignent 21 900 euros par an, indique le rapport, contre 25 800 dans l’ensemble de la population. Plus inquiétant encore : 19 % des citoyen·nes en situation de handicap vivent sous le seuil de pauvreté, alors que dans la population générale, ce taux ne dépasse pas 13 %.

L’accès à l’emploi est le nerf de la guerre dans l’intégration des personnes en situation de handicap. Là aussi, le problème persiste. Le taux de chômage est bien plus important dans la population générale. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap s’élevait à 16% en 2019, contre 8,2% dans la France entière.

Des aides discrètes

Des situations précaires pourraient être évitées ou améliorées si l’administration informait les personnes en situation de handicap sur leurs droits. C’est en tout cas l’avis de Sylvia, bretonne atteinte de gigantisme. « Après des arrêts maladie, j’ai été mise à la retraite de la fonction publique pour invalidité » précise la Quimperloise. Elle est convaincue que d’autres personnes, dans des cas similaires au sien, pourraient profiter de ce dispositif si elles le connaissait. Sylvia dénonce aussi le parcours du combattant pour obtenir certaines aides, qui décourage les moins à l’aise avec les démarches administratives.

Les conditions d’obtention d’une de ces aides réservées aux personnes en situation de handicap fait d’ailleurs débat. L’AAH (Allocation adulte handicapé), versée à 1 253 800 personnes en 2020, est actuellement calculée en fonction des revenus du conjoint. Une règle dénoncée par nombre d’association de défense des personnes en situation de handicap. Une pétition lancée sur une plateforme dédiée de l’assemblée nationale, a d’ailleurs été lancée dans le but de lancer le débat parmi les parlementaires. « Il y a des femmes qui s’en sortiraient mieux économiquement si elles vivaient seules. Mais il ne faut pas oublier qu’avoir un conjoint, c’est aussi une assistance physique quand on a des difficultés à réaliser les gestes les plus simples », rage Sylvia. Même si les associations portent à bras le corps la revendication de la déconjugalisation de l’AAH, le sujet peine à trouver sa place dans les médias. Comme quoi, l’émancipation des personnes en situation de handicap est un sujet qui a du chemin a parcourir pour faire les titres des journaux.

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