Après le dernier plan social Nokia, 231 des 239 personnes dont le poste avait été supprimé à Lannion auraient retrouvé une «solution». Entre concurrence externe et destabilisation interne, l’happy ending ne semble pas si rose qu’espéré.
Jeudi 4 mars au matin, dans les locaux de Nokia à Lannion, la première commission de suivi du quatrième plan de sauvegarde de l’emploi (PSE 4) se réunit. Les premiers chiffres tombent : sur les 239 postes supprimés, 231 employé·es ont retrouvé un emploi. Entre reclassements internes, départs volontaires et annonces de recrutements par de nouvelles entreprises, la situation semble s’améliorer pour les licencié·es de Nokia.
Nouveaux acteurs dans la technopole
Depuis quelques semaines, de nombreuses entreprises spécialisées dans la 5G (Qualcomm, B-com, AKKA Technologies…) annoncent leur arrivée sur le territoire lannionnais.
Antoine*, 25 ans, licencié après avoir passé un peu moins de trois ans et demi chez Nokia, entame sa deuxième semaine au sein de B-com, l’Institut de recherches technologiques fraîchement installé et subventionné par le gouvernement. « Je ne pensais pas devoir partir si tôt, même si je m’inquiétais peu pendant le PSE. Pendant toute la procédure, on ne savait pas du tout à quelle sauce on serait mangé. Ça laisse dans un grand flou, raconte-t-il. Mais, à partir de mi-décembre ou janvier, quand on a eu plus de réponses à nos candidatures, ça allait mieux.
« Contrairement à d’autres, je n’avais pas une grosse attache à Lannion, là où certains avaient des familles, des maisons. »
26 contrats ont déjà été signés chez B-com, pour un objectif de 90. Parallèlement, d’ici juin, si toutes les personnes qui se portent volontaires pour partir signent leurs contrats de rupture, 72 salarié·es seront reclassé·es en interne du groupe.
Soupir de soulagement dans les rangs de l’équipementier Nokia et regain d’optimisme pour la technopole lannionnaise ? Pas si sûr. Car derrière ces chiffres réjouissants se cachent des salarié·es démuni·es, ainsi qu’une périlleuse redistribution des cartes au sein des entreprises technologiques locales.
«Je ne veux plus entendre parler de Nokia »
Chez B-com, « ce qu’ils viennent chercher, c’est une intelligence collective, c’est tout une équipe qui s’est construite depuis une dizaine d’années. Maintenant, ils peuvent piocher dans les profils licenciés, et ça déstabilise le collectif de Nokia », constate Philippe Mulot, délégué syndical à la CGT.
La situation des équipes dépouillées, portées par des travailleur·euses fatigué·es par des mois de luttes et peu confiant·es en leur avenir, inquiète au sein de l’entreprise.
Elle a amené la direction à faire intervenir des aides médico-sociales pour maintenir la stabilité du site. Les créations de postes promises chez Nokia se font attendre et l’on assiste à de nombreux abandons, en-dehors du cadre du PSE. « Il y a aussi des personnes qui partent un peu la fleur au fusil et qui se disent “De toute façon, j’en ai marre, un PSE par an je ne supporte plus” », explique le syndicaliste.
Prononcée à répétition par des ancien·nes salarié·es et marquant leur refus d’échanger, la courte déclaration : « Je ne veux plus entendre parler de Nokia » est lourde de sens.

Difficile de suivre les chemins empruntés par celleux qui ont quitté le navire Nokia, les solutions trouvées ne semblant pas toujours aussi pérennes et satisfaisantes qu’affirmées. « Quand la direction dit qu’il y a tant de solutions trouvées, ce n’est pas vrai, s’indigne Philippe Mulot. Il y a des gens qui sont volontaires mais qui n’ont pas encore trouvé de travail. Ils partent en congé de reclassement ou étudient encore ce qu’ils vont faire, quelle formation suivre pour changer d’activité, pour arriver là où ils veulent ». Puisqu’elles affectent bien plus que les salarié·es concerné·es par le PSE, la vigilance envers les conditions de réinsertion professionnelle des licencié·es sera maintenue dans les prochains mois.
* Le prénom a été changé
Lannion, Nokia et les plans sociaux : amour et turbulences
En 2007, Lucent est racheté par Alcatel. En l’espace de neuf ans, le site a connu six PSE jusqu’à son deuxième rachat par Nokia. Depuis, en quatre ans, 429 emplois ont été supprimés au sein de l’entreprise. Au-delà du nombre conséquent de licencié·es, la particularité du dernier plan se trouve dans les âges et les domaines concernés. De nombreux·ses jeunes très récemment embauché·es et le secteur de la Recherche et Développement (pourtant en pleine activité et essentiel dans l’entreprise) sont touché·es de plein fouet, renforçant l’incompréhension des concerné·es.