Marine Le Bris prépare un diplôme d'État de Moniteur Éducateur au lycée Notre-Dame de Campostal et Gouarec. Elle a grandi jusqu’à son adolescence à Ker Uhel, un des deux QPV de la ville de Lannion.
JEUNESSE

Enquête. Quartiers prioritaires de Lannion : le mur des études supérieures

À partir du 8 avril 2021, il sera trop tard pour compléter son dossier Parcoursup. Une étape symbolique avant d’intégrer les études supérieures. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville de Lannion, Ker Uhel et Ar Santé Les Fontaines, il n’est pas toujours question de choix.

« Peu de jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), Ker Uhel et Ar Santé Les Fontaines, font des études après le baccalauréat », constatent Nicolas Delhomel, animateur social au centre Saint-Elivet, et Hanane Akaou, monitrice éducatrice et adjointe d’animation à l’association Beauvallon. Tous·tes les deux accompagnent les jeunes de ces QPV dans leur insertion professionnelle et scolaire. 

Les jeunes des quartiers prioritaires font face à des difficultés spécifiques pour s’insérer dans les études dites « supérieures », c’est-à-dire après le baccalauréat. Un constat que l’on retrouve à Lannion.

49,8% des jeunes d’Ar Santé Les Fontaines sont non-scolarisés et sans emploi

Parmi les demandeur·euses d’emploi originaires de Ker Uhel, 14,2% ont un niveau de qualification supérieur au baccalauréat, selon l’Insee. Un chiffre qui tombe à 8,4% à Ar Santé Les Fontaines. À titre de comparaison, 25,9% des demandeur·euses d’emploi ont un niveau supérieur au bac à l’échelle de la commune. 

Pour aller plus loin encore, parmi les jeunes de 16 à 25 ans résidant à Ar Santé Les Fontaines, 49,8% sont non-scolarisés et sans emploi, toujours selon l’Insee contre 14,5% pour le reste des jeunes lannionnais·es. Une différence significative qui interroge. Mélanie Vignale et Thomas Couppié, auteur·es d’une étude à propos de la poursuite d’étude des jeunes des QPV après leur bac, l’affirment :

« À caractéristiques identiques, le fait de résider en QPV au moment du bac réduit significativement les chances d’atteindre un niveau de diplôme supérieur à bac +2 ».  

Problèmes d’argent, d’information et de mobilité

Pour Sophie De Vries, psychologue de l’Éducation nationale au CIO de Lannion, les jeunes de ces QPV n’osent pas emprunter le chemin des études : « Les problèmes d’argent, d’information et de mobilité sont des freins. Sur le plan scolaire, on les dirige plus tôt que les autres vers des voies professionnelles. Si bien qu’ils n’imaginent même pas faire des études ». La spécialiste poursuit : « Il peut aussi y avoir la peur du conflit avec la famille car le milieu d’origine ne privilégie pas l’école ».

Autre problématique autour de cette insertion compliquée : l’autocensure. Sophie De Vries explique :

« Les jeunes des QPV ne s’autorisent pas à rêver. Les familles ne vont pas voir l’avantage des études et penser tout de suite aux coûts que cela va engendrer. Bien souvent, cette autocensure n’est même pas consciente »

Yann Le Carrer, responsable du service jeunesse de la Ville de Lannion, rappelle que la population des QPV de Lannion est « moins jeune que les autres QPV de Bretagne ». Moins de jeunes signifie donc moins de potentiels étudiant·es dans l’enseignement supérieur.

Peu de jeunes des QPV font des études

Au cours de notre enquête, nous avons ainsi trouvé seulement une personne ayant suivi des études supérieures. Elle s’appelle Marine Le Bris et prépare un diplôme d’État de Moniteur Éducateur au lycée Notre-Dame de Campostal et Gouarec. « Je n’ai pas ressenti de difficultés particulières liées au lieu où j’habitais, au cours de mon parcours scolaire. Mes parents m’ont toujours poussé à travailler au cours de mes études, raconte celle qui a grandi jusqu’à son adolescence à Ker Uhel. Je trouve juste qu’ici, le rapport au travail est différent. Ceux que je connais associent le travail à l’argent. Pour eux, les études, ce n’est pas un moyen d’en faire. C’est assez loin pour ceux, qui doivent travailler pour subvenir aux besoins de leurs parents », poursuit-elle.

Sophie De Vries, psychologue de l’Éducation nationale au CIO de Lannion, peut accompagner les jeunes qui se posent des questions sur leur orientation.
Sophie De Vries, psychologue de l’Éducation nationale au CIO de Lannion, peut accompagner les jeunes qui se posent des questions sur leur orientation. | Maël Baudé

« Le plus important, c’est d’avoir le choix dans son orientation et ne pas devoir le subir », conclut Sophie De Vries. Les organismes qui accompagnent les jeunes ne manquent pas à Lannion. Tous portent le même message : « il ne faut pas hésiter à venir se renseigner le plus tôt possible »

Contact des organismes qui peuvent accompagner les jeunes dans leur orientation

  • Centre d’Information et d’Orientation (CIO) : 06 20 69 02 67 / cio.lannion@ac-rennes.fr
  • Service Info Jeunesse (SIJ) : 07 89 64 42 35 / charlotte.gueganic@lannion.bzh
  • Association Beauvallon : 02 96 46 46 11
  • Centre social Saint-Elivet : 02 96 37 97 87 
  • Centre social Ker Uhel :  02 96 48 75 08
  • Mission locale : 02 96 46 40 09 / lannion@mloca.fr

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