Pêche, bâtiment, plomberie, autant de secteurs délaissés par les femmes. La majorité se dirige massivement vers les métiers du social ou de l’éducation. Et ce n’est pas qu’une question de goût.
Certains secteurs professionnels se voient désertés par les femmes, à l’instar des métiers du bâtiment. D’autres secteurs le sont moins, mais c’est une histoire récente. Loin d’être uniquement une question de goût, les raisons sont surtout sociologiques et historiques. « La question des métiers masculins change en fonction de la période », explique Rebecca Rogers, professeure d’histoire de l’éducation et chargée de mission parité à l’université Paris Descartes. « Avant 1946, une femme ne pouvait pas être magistrate. Il n’y avait quasiment pas de femmes en droit. Aujourd’hui, elles sont 60 %. » Des professions anciennement qualifiées comme masculines , à l’image de magistrat·e ou médecin, se féminisent. Mais le simple fait de les désigner comme métiers « masculins » poussent certaines femmes à ne pas les envisager. « Ce n’est pas très sain d’avoir des métiers pour hommes ou femmes. On devrait parler de métiers pour humains », suggère l’historienne.
L’éducation familiale et scolaire joue un rôle important dans cette orientation professionnelle. « Un enfant prend conscience de son sexe et donc de son identité de genre à 6 ans. À partir de là, il prend conscience de ce qu’on demande à une fille et de ce qu’on demande à un garçon », explique Margaux Terrou, professeure d’éthique sur l’histoire des femmes et fondatrice de Her’oes and associates, cabinet accompagnant les entreprises pour plus de parité. Fruits d’une éducation genrée, les attentes et les attitudes de la famille sont donc différentes selon les sexes. On attend des filles qu’elles soient douces et souriantes, alors que les garçons doivent être virils et courageux.
Oser l’inconnu
Ces attentes orientent aussi les projets professionnels, renforcées par l’avis des professeur·es et des conseiller·ères d’orientation.
En 2019, les lycéennes représentaient 79 % des élèves en filière littéraire et 8,1 % en sciences et technologies de l’industrie et du développement durable.
« Il y a une pression parentale sur les garçons pour qu’ils fassent des choix rationnels, afin de choisir des métiers mieux payés. On les pousse, par exemple, à faire un bac scientifique. Il y a moins cette pression sur les filles, à qui on dit de faire des métiers qui leur plaisent », développe Rebecca Rogers.
Une pression jusque dans les entreprises
Pourtant, les femmes sont plus nombreuses dans l’enseignement supérieur et ont de meilleurs résultats. Mais, paradoxalement, elles vont moins loin dans les études. À compétences et temps de travail égaux, elles sont également moins payées que les hommes. Un véritable cocktail explosif, source d’un manque de confiance en elles qui les poursuit jusqu’à l’âge adulte.
Cette pression se perpétue au sein des entreprises. Là, les femmes ont la sensation de devoir prouver qu’elles méritent leur place. Ce sentiment est renforcé dans les professions où les femmes sont moins nombreuses. « Il faut une très forte personnalité pour aller vers des métiers où on est minoritaires », constate Rebecca Rogers. Difficile d’imaginer monter dans la hiérarchie si on est la seule femme. Encore plus d’oser passer par la case entretien d’embauche. Margaux Terrou s’interroge : « Si jamais il n’y a personne qui me ressemble dans un secteur d’activité, comment vais-je pouvoir m’y projeter ? ».