La numérisation de la société s’accélère depuis la pandémie : rendez-vous médicaux en ligne, visioconférences… Cette nouvelle organisation marginalise beaucoup de seniors, encore trop peu intégré·es au numérique.
Solange, 82 ans, vit en face du centre de vaccination. Chaque jour, elle voit des gens en sortir vaccinés mais, ironie du sort, elle ne parvient pas à y prendre rendez-vous. L’inscription n’étant possible qu’en ligne, la tâche est complexe pour beaucoup. « Mon fils essaye de m’inscrire depuis deux mois parce que, moi, je ne veux pas enquiquiner ma tête avec Internet. J’ai appelé, je suis allée directement au centre mais ce n’est pas possible. Maintenant, j’abandonne, je verrai plus tard. » Pourtant, diabétique et asthmatique, la Lannionnaise est considérée comme « à risque ».
“Je ne veux pas enquiquiner ma tête avec Internet”
Solange, 82 ans
Geneviève, 79 ans, y est parvenue, au bout d’« un véritable parcours du combattant ». N’étant pas équipée d’un ordinateur, elle a dû faire appel à son voisin pour accéder au sérum tant attendu. Un allié indispensable pour franchir l’obstacle du rendez-vous en ligne car environ 67 % des 75 ans ou plus ne maîtrise pas les outils informatiques, selon l’Insee.
La pandémie de Covid-19 a mis en lumière une réelle fracture numérique chez les personnes âgées. « Jusqu’à présent, on se disait que les seniors n’avaient pas forcément besoin de s’adapter au numérique, qu’ils pouvaient faire sans. Le confinement a révélé qu’on ne pouvait plus les laisser sur le côté », remarque Yann-Mäel Larher, docteur en droit et conférencier sur les relations numériques de travail.
Le confinement, « un crash test très parlant »
Les confinements ont isolé une grande partie des personnes âgées. « Un crash test très parlant », ironise Jean-François Lucas, sociologue de la ville numérique et chercheur au Laboratoire de sociologie urbaine (LaSUR). Sans compétence, accès ou appétence pour le numérique, beaucoup de seniors n’ont pas pu appeler leurs proches en visioconférence pour maintenir le lien.
Au quotidien, prendre rendez-vous chez le médecin, payer ses factures, faire des démarches administratives… Tout est dématérialisé. L’accélération de cette nouvelle organisation a marginalisé les seniors. « Pendant le confinement, il n’y avait plus d’alternatives aux voies numériques. C’est ça qui est problématique », affirme Périne Brotcorne, sociologue et chercheuse-senior à l’Université de Louvain en Belgique.
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Alors, les centres sociaux lannionnais Saint-Elivet et L’Horizon ainsi que le Centre communal d’action social (CCAS) de Lannion ont décidé de remettre les wagons du numérique sur de bons rails en organisant des ateliers web pour les seniors. Au programme, initiation à l’usage d’un ordinateur ou d’une tablette, aux démarches administratives en ligne et à l’envoi de messages sur Internet. « Les seniors n’avaient pas d’outils ou ne savaient pas s’en servir. Les nouvelles technologies ne sont pas adaptées aux pratiques des personnes âgées, alors il faut les aider », explique Denis Sidaner, bénévole au centre social Saint-Elivet.
Les ateliers d’initiation annulés
Pas de chance, les ateliers étaient prévus en novembre et en décembre, en plein milieu du deuxième confinement. Aucun des neuf ateliers n’a finalement eu lieu. Les seniors de Lannion n’ont donc pas pu tenter d’accrocher le train du numérique, au moment où ils en avaient le plus besoin. Mais les responsables du centre social Saint-Elivet ne désespèrent pas pour autant. « On a installé une salle informatique. Dès qu’une personne a besoin d’aide, elle peut appeler le centre social et on l’accompagnera. Quand ce sera autorisé, on commencera les ateliers en groupe », assure Nicolas Delhomel, animateur à Saint-Elivet et référent du projet Ateliers Web.

Cette aide est d’autant plus précieuse que le gouvernement souhaite dématérialiser toutes les démarches administratives d’ici 2022. Pour cela, un plan de relance pour intégrer les Français au numérique a été annoncé. 250 millions d’euros seront investis, à travers le recrutement de 4 000 conseillers numériques et le déploiement de kits d’inclusion numérique. Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, et Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique, plaident pour que « chacun ait accès à la connexion et aux usages, partout en France ». Un souhait bien utopique, tant le chantier s’annonce immense.
Infos pratiques
Inscriptions et renseignements pour les ateliers numériques :
– CCAS de Lannion : 02 96 46 13 22
– Centre social Saint-Elivet : 02 96 37 87 97
– Centre social l’Horizon : 02 96 48 75 08