L'accordéoniste Régis Huiban s'est essayé aux concerts en ligne
CULTURE

Concerts en ligne : un placebo pour traverser la crise ?

Accordéoniste professionnel depuis 1994, Régis Huiban a vu son activité artistique profondément touchée par les restrictions sanitaires. Pendant le confinement, il a eu l’idée de jouer et diffuser ses morceaux sur Internet. Une fausse bonne initiative, une bien pâle copie des concerts endiablés et dansants. Au point de préférer éteindre la webcam. 

 

Il y a un peu plus d’un an, l’exécutif annonçait la fermeture de «tous les lieux recevant du public», notamment les salles de spectacles. En tant qu’artiste, comment avez-vous réagi ?

Grosse déception, évidemment. Après, ça s’est fait par glissement, parce qu’en tant que musicien et accordéoniste, je joue dans différents groupes et genres musicaux : le spectacle pour enfants, le fest-noz, les concerts de jazz, etc. Donc ça n’a pas été la fermeture brutale du jour au lendemain mais on a été déçus parce que les premiers concerts qu’on avait, c’était dans des restos, dans des bars et quelques salles de fest-noz. De voir tout ça annulé, ça a été un coup sur la tête, évidemment.  

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à donner des concerts en ligne, comme d’autres artistes ?

Ça a commencé par une vidéo d’une minute. Un flash comme ça, pour plaisanter, avec mon gamin qui me filme à la maison. Et puis en fait, ça a intéressé deux-trois personnes et les retours étaient sympas. C’est devenu un challenge. Très vite, je me dis qu’il ne faut pas que ça devienne une habitude. Ces vidéos anecdotiques ne doivent pas prendre toute la place. Sur le moment, ça nous fait plaisir mais très vite, le besoin d’un contact humain apparaît. Surtout qu’une bonne partie de mon répertoire est liée à la danse. Être devant “juste” un écran, c’est relativement froid.

 

Combien de performances à distance avez-vous réalisées ?

J’en ai fait un par jour pendant les 55 jours du premier confinement. Ne sachant pas combien de temps ça allait durer, je me suis dit que j’avais quand même un petit peu de répertoire à jouer. Cela m’a fait plaisir de jouer de temps en temps un petit morceau. Mais varier chaque jour n’était pas si facile que ça. Ça allait du petit jingle de musique bretonne au jazz, en passant à deux reprises par un live entier d’une heure et demie. J’étais tout seul devant mon ordi. Ça a été possible parce que j’avais de l’équipement à la maison, notamment quelques micros. Avec les copains, on a voulu faire une vidéo à plusieurs, mais techniquement ce n’était pas possible. 

 

Quels ont été les retours du public ?

Les gens ont dit : “Oh, c’est chouette de faire ça, continuez, ça nous fait du bien !”, je pense que c’est dû au fait d’être chez soi. J’aurais pu arrêter comme ça, je n’avais pas d’obligation de le faire. Les deux lives, m’ont permis d’être connecté avec les gens, de “prendre la température”. Les retours étaient hyper bons parce que le public n’a qu’une hâte, c’est de nous voir en vrai. C’est ce qui a été dit à maintes reprises : cela va bien au-delà du pouce bleu [symbole du “J’aime” sur Facebook, ndlr] ! [rires] Il y a toujours des petits messages qui disent : “Vivement que ça s’arrête, qu’on passe à du vrai.” Lire les mots : humain, vrai, donne l’impression de quelque chose de chaleureux malgré l’aspect virtuel.

 

Alors, le concert virtuel a-t-il enterré le concert en live ?

Pas du tout, parce que pour tout vous avouer, le deuxième confinement, je l’ai très mal supporté. Pendant le premier, on était tous dans le même bateau, on se motivait chacun pour traverser cette mauvaise période. […] Quand l’été est arrivé, on a eu quelques contrats. Pour moi c’était à la base une trentaine de dates : j’en ai perdu les trois-quarts. Puis en septembre, plus rien.

L’arrivée du couvre-feu a compliqué les choses, on ne pouvait plus se voir en soirée, ni pour les répétitions… Quand est arrivée la deuxième vague, j’ai  mal vécu ce moment passé à la maison, sans voir les gens. Pour le second confinement, une bonne partie des gens continuaient à travailler mais pas nous, les artistes. On commençait à prendre vraiment conscience de ce que ça allait devenir.

 

À l’heure actuelle, le ministère de la Culture n’a rien annoncé quant à une réouverture des lieux de culture au public. Pour vous, le futur, c’est quoi ?

Eh bien, je me réunis en visio tous les soirs pour organiser une mobilisation à Quimper, samedi prochain [la réunion a eu lieu le 20 mars dernier, ndlr] . On est quelques intermittents à essayer de se mobiliser. On a toujours le même discours : cela va bien au-delà de demander la réouverture des salles. C’est un retour à la normale, mais aussi pour d’autres métiers. On parle du corps médical, des étudiants, etc. Le mouvement va grandir : on fête malheureusement un an sans culture. La semaine dernière [le 13 mars, ndlr], il y avait un rassemblement à Douarnenez : on s’est dit qu’il fallait continuer à faire des rassemblements assez fréquents. Prochainement, on ira épauler les copains qui viennent occuper le Quartz à Brest, le Grand Théâtre à Lorient.

 

Propos recueillis par Quentin-Mathéo Pihour

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