SOCIÉTÉ

Un Pas contre les violences conjugales

L’association lannionnaise Le Pas accompagne les femmes victimes de violences conjugales. Autour d’un pique nique à Ploumanac’h, elles avancent vers leur reconstruction. 

C’est aux alentours de 14 h qu’elles se retrouvent sur le port de Ploumanac’h pour pique-niquer. Le soleil se reflète sur la mer calme et infinie. Un cadre idyllique qui contraste avec leur passé douloureux. Elles sont une dizaine réunies en cercle pour ce moment iodé. Entre deux bouchées de sandwich, une d’entre elles pose son téléphone sur le banc et lance la chanson N’insiste pas de Camille Lellouche. Ta violence a fini par me briser.” Les voix se taisent. Le bruit des vagues devient assourdissant. Les paroles s’écrasent comme une tempête.

Chacune a subi les insultes, les coups, les viols de son compagnon. Comme le ressac, les émotions remontent, au bord des larmes. Elles sont entre elles, avec l’association Le Pas. Ce lieu d’accueil, d’écoute et d’orientation pour les victimes de violences conjugales et intrafamiliales a son siège à Lannion. C’est comme une deuxième famille” confie Marie*, victime de violences conjugales, arrivée dans l’association il y trois ans. Le Pas les aide à se reconstruire. Ce type d’activités permet à ces femmes de recréer du lien social. Bienveillance et confiance sont les maîtres-mots de l’après-midi.

Reprendre confiance en soi

“Tu ne vaux rien”, “T’es une incapable”, beaucoup d’entre elles ont entendu ces phrases. Leur conjoint les contrôlait, les dominait, les dévalorisait. Cette situation est toujours d’actualité pour certaines. Ces comportements les excluent des relations qu’elles entretiennent. Lutter contre l’isolement et reprendre confiance en soi sont les principaux objectifs de ces sorties. “On organise des balades pour qu’elles puissent penser à autre chose, penser à soi et se retrouver avec des femmes qui ont vécu des violences similaires”, commente Marion Bouchez, conseillère économique et sociale au sein du Pas.

Pendant le pique-nique les sourires fusent. Assises en ronde, elles échangent sur les banalités de la vie. Certaines affichent une complicité affirmée. Elles se sentent en confiance. “Aujourd’hui, je m’en vais, je pense à ma gueule”, les paroles de la chanson continuent de résonner. Des gestes tendres pour réconforter celles qui baissent la garde. Le temps de la reconstruction est venu. C’est un nouveau départ qu’il faut entamer une fois sorti du cercle des violences. L’association les aide à recréer du lien affectif. Elles marchent ensemble.

L’emploi, la clé de l’indépendance

L’isolement conduit les femmes victimes à une grande précarité. La plupart quittent leur emploi sous la pression de leur compagnon ou de leur ex.

Depuis quelque temps, les centres d’information des droits des femmes et des familles accompagnent ces femmes dans leur réinsertion professionnelle. Ils mettent en place des formations et des ateliers afin qu’elles puissent trouver une voie qui leur corresponde. “J’avais un emploi dans le secteur tertiaire en région parisienne. Je me suis retrouvée en arrêt maladie et j’ai eu le droit avec l’assurance maladie de pouvoir quitter la région ”, confie Marie, la voix tremblante.

Les agresseurs font valoir qu’ils sont jaloux, qu’ils ont peur qu’elles fréquentent d’autres hommes. Le patriarche joue la carte de la mauvaise mère : “Tu préfères aller travailler que de t’occuper de tes enfants”. Un mécanisme de culpabilité se crée autour de la victime qui finit par céder. La violence physique peut aussi jouer sur le fait de ne pas aller travailler. La honte et la peur prennent le dessus. “Plus une personne est vulnérable économiquement, plus il est facile d’instaurer et de maintenir l’emprise sur elle”, décrypte Léa Bages, spécialiste des rapports sociaux de genre.

Cloisonnées entre quatre murs, elles deviennent dépendantes de leur mari pour répondre à leurs besoins les plus primaires. La perte de leur emploi les coupe de tout contact extérieur. “C’est difficile de se retrouver sans emploi, de repartir à zéro et de ne pas trouver ce qu’on avait avant. Il nous a fait tout perdre ”, confirme Marie. Le manque de ressources dissuade les femmes de partir. Elles se raccrochent à la stabilité financière promise par leur compagnon. L’indépendance financière est la clé de leur liberté.

“N’’insiste pas, tout est terminé”, clame Camille Lellouche dans sa chanson. Réunies face à la côte de Granit rose, ces femmes prennent leur revanche sur la vie. Par leur sourire et leur courage, elles tentent peu à peu de se délivrer des violences subies.

*Le prénom a été changé

Julie Chauvin

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